END OF WATCH – 13,5/20

End of WatchRéalisé par David Ayer
Avec Jake Gyllenhaal, Michael Peña, America Ferrera

Synopsis : Chaque jour, Brian Taylor et Mike Zavala, jeunes officiers de police, patrouillent dans les rues les plus dangereuses de Los Angeles. À travers les images filmées sur le vif, on découvre leur quotidien sous un angle jamais vu. Du danger partagé qui forge la fraternité à la peur et aux montées d’adrénaline, c’est une fascinante plongée au cœur de leur vie et d’un quartier, une histoire puissante sur l’amitié, la famille, l’honneur et le courage.

Avis : Plongée réaliste (même si un poil idéalisée) dans le quotidien d’un duo de flics du LAPD, End of Watch se regarde comme une immersion quasi documentaire au cœur des quartiers chauds de Los Angeles. On suit pas à pas Brian et Mike, deux policiers ambitieux mais consciencieux, aimant autant leur job que leur nana et nourrissant l’un pour l’autre un dévouement total. Car en plus d’être un très efficace film de flics, End of Watch se révèle aussi être un buddy movie touchant et réussi, dépourvu de cynisme et vantant l’amitié virile entre coéquipiers à base de confiance aveugle et de réciprocité. Le réalisateur parvient à très rapidement créer une empathie sincère du spectateur pour ses deux personnages, qui joue beaucoup dans la montée en tension exponentielle du film.
La qualité des dialogues, incisifs et souvent drôles, la complémentarité et la complicité épatante des remarquables Jack Gyllenhaal et Michael Peña, un script à hauteur d’homme et une peinture urbaine actuelle et juste (notamment sur l’émergence des femmes aussi bien dans la police que dans les cartels mafieux), font de End of Watch un polar sanguin, attachant et captivant à bien des égards.
Un bémol cependant. Pourquoi avoir ainsi cédé à la mode du found footage, tant ce procédé en caméra subjective apparaît ici peu pertinent ? On ne distingue plus rien dès que le porteur de la caméra s’agite et l’effet obtenu est l’inverse de celui recherché puisqu’il à tendance à nous détourner de l’intrigue. Heureusement, Ayer semble s’en rendre compte et le délaisse progressivement pour un style plus classique mais tout aussi nerveux et pour le coup bien plus efficace.
Au fil des enquêtes qui vont placer de plus en plus nettement le duo dans le collimateur de la pègre mexicaine, le film se fait plus dur, plus dense, plus électrique.
S’il démarre tranquillement (pour ne pas dire paresseusement), End of Watch opère une efficace montée en stress qui s’achève en un final aussi violent qu’inattendu.
Cette capacité à surprendre et à nous emmener là où on ne s’attend pas, à délivrer une tension et une émotion insoupçonnables aux premières images est indéniablement la principale réussite ce polar peu commun.

RENGAINE – 10/20

RengaineRéalisé par Rachid Djaïdani
Avec Slimane Dazi, Sabrina Hamida, Stephane Soo Mongo

Synopsis : Paris, aujourd’hui. Dorcy, jeune Noir chrétien, veut épouser Sabrina, une jeune Maghrébine. Cela serait si simple si Sabrina n’avait pas quarante frères et que ce mariage plein d’insouciance ne venait cristalliser un tabou encore bien ancré dans les mentalités de ces deux communautés : pas de mariage entre Noirs et Arabes. Slimane le grand frère, gardien des traditions, va s’opposer par tous les moyens à cette union…

Avis : Petit (1h15) objet filmique singulier, Rengaine est porté par une énergie indéniable, qui a malheureusement un peu tendance à verser dans une certaine surenchère frénétique. La caméra se déplace nerveusement, zoome, dezoome, attrape un bout de peau, un regard, un sourire, une crispation, ne reste jamais en place, ne se permet aucun plan large. On est plus sur une réalisation caméra cachée que caméra à l’épaule. Si l’effet d’immersion et d’urgence est réussi, le procédé fini par être épuisant et par donner quelques migraines. Et malgré sa courte durée, il n’évite pas le sentiment de redite. Un format moyen métrage aurait sans doute plus convenu à ce concept (construit sur 9 ans quand même), d’autant plus que le sujet, ce Roméo et Juliette moderne sur fond d’affrontements et de préjugés entre les communautés noires et arabes, est abordé avec une certaine naïveté, même si emprunt d’une incontestable honnêteté.

LA CHASSE – 12/20

La ChasseRéalisé par Thomas Vinterberg
Avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Annika Wedderkopp

Synopsis : Après un divorce difficile, Lucas, quarante ans, a trouvé une nouvelle petite amie, un nouveau travail et il s’applique à reconstruire sa relation avec Marcus, son fils adolescent. Mais quelque chose tourne mal. Presque rien. Une remarque en passant. Un mensonge fortuit. Et alors que la neige commence à tomber et que les lumières de Noël s’illuminent, le mensonge se répand comme un virus invisible. La stupeur et la méfiance se propagent et la petite communauté plonge dans l’hystérie collective, obligeant Lucas à se battre pour sauver sa vie et sa dignité

Avis : La Chasse a beaucoup divisé lors de sa présentation sur la Croisette et continue de faire débat avec sa sortie française. Et à raison. Le film de Vinterberg est loin d’être fédérateur.
Appuyé, outrancièrement signifié, La chasse agace dans sa mise en place un peu maladroite et caricaturale. Cette manière de ne laisser aucun libre arbitre au spectateur, de le prendre en quelque sorte en otage, est d’ordinaire rédhibitoire, mais Vinterberg parvient à reprendre en partie pied lorsqu’il ne se concentre plus que sur les conséquences de l’affaire et plus particulièrement sur son héros. On assiste alors à la mise à mort sociale d’un innocent (on le sait dès le départ), livré à la vindicte populaire, lynché, accablé par la suspicion. L’horreur de la situation dans laquelle il se trouve et d’autant plus violente qu’il ne semble avoir aucun moyen de défense et que le doute ne disparait jamais tout à fait. Mais là où le film heurte et questionne le plus, c’est que, bien qu’on éprouve une empathie sincère face au drame et à l’injustice du héros, on ne peut condamner totalement ses accusateurs, et on ne peut s’empêcher de se demander quelle serait notre réaction si nous étions à leur place.
La chasse est dans l’ensemble emprunt d’une certain lourdeur et manque assez largement de nuance, mais la réalisation aride de Vinterberg et l’interprétation intense, fine et habitée de Mads Mikkelsen auront su donner corps et cœur à ce récit d’une descente aux enfers ordinaire.

ARGO – 15/20

ArgoRéalisé par Ben Affleck
Avec Ben Affleck, Bryan Cranston, John Goodman

Synopsis : Le 4 novembre 1979, au summum de la révolution iranienne, des militants envahissent l’ambassade américaine de Téhéran, et prennent 52 Américains en otage. Mais au milieu du chaos, six Américains réussissent à s’échapper et à se réfugier au domicile de l’ambassadeur canadien. Sachant qu’ils seront inévitablement découverts et probablement tués, un spécialiste de « l’exfiltration » de la CIA du nom de Tony Mendez monte un plan risqué visant à les faire sortir du pays. Un plan si incroyable qu’il ne pourrait exister qu’au cinéma.

Avis : Avec Argo, Ben Affleck valide son statut inattendu de réalisateur brillant né avec Gone Baby Gone et The Town. En mettant en scène avec une maîtrise bluffante cette histoire vraie mais invraisemblable déterrée des archives de la CIA, il se pose désormais comme faiseur hors pair et conteur doué.
Car son nouveau film est non seulement passionnant, prenant et haletant, il confirme également une virtuosité formelle étourdissante. Extrêmement bien documenté, Argo convainc sur tous les plans en ne se départissant jamais de sa grande exigence. A la fois divertissant (la production express du faux film est hautement fun) précis dans sa reconstitution historique et haletant dans sa dernière partie consacrée à l’exfiltration, Argo est immédiatement et constamment crédible en dépit d’une trame narrative improbable. Et ce grâce à la réalisation ample sans être tape à l’œil et le montage efficace de Affleck , une distribution sans fausse note (Goodman et Cranston en tête) et une score impeccable de Desplat se mariant à merveille avec les musiques du début des années 80.
Une confirmation attendue mais pas moins enthousiasmante.
Argo fuck yourself.

J’ENRAGE DE SON ABSENCE – 13,5/20

J'enrage de son absenceRéalisé par Sandrine Bonnaire
Avec William Hurt, Alexandra Lamy, Augustin Legrand

Synopsis : Après dix ans d’absence, Jacques ressurgit dans la vie de Mado, aujourd’hui mariée et mère de Paul, un garçon de sept ans. La relation de l’ancien couple est entachée du deuil d’un enfant. Alors que Mado a refait sa vie, Jacques en paraît incapable et lorsqu’il rencontre Paul, c’est un choc. La complicité de plus en plus marquée entre Jacques et Paul finit par déranger Mado qui leur interdit de se revoir. Mais Jacques ne compte pas en rester là…

Avis : Avec une certaine épure et beaucoup de pudeur, Sandrine Bonnaire marque les esprits avec sa première réalisation de fiction. En optant pour la simplicité dans sa mise en scène et l’exposition des enjeux, elle semble avoir intégré le meilleur des grands réalisateurs réalistes pour lesquels elle a tourné pendant sa longue carrière.
Bonnaire traite avec une grande exigence et une force toute retenue cette histoire qui va glisser du drame au thriller au fur et à mesure que le personnage de William Hurt va transférer son indicible manque sur le petit Paul et en faire un fils de substitution face au deuil qu’il n’est jamais parvenu à surmonter.
En face, la désarroi de son ancienne compagne est tout aussi déroutant, loin d’être binaire, torturée entre une indéniable affection, sans doute encore un peu d’amour et la volonté acharnée de laisser le passé derrière-elle qui se mue peu à peu en une peur sourde de faire exploser son nouvel environnement. Bonnaire ne juge ni ne condamne ses personnages, elle se contente, brillamment, d’exposer les conséquences d’un drame des plus douloureux, toujours aussi vivace même dix ans plus tard.
La réalisatrice aiguille ses acteurs, tout en leur laissant le champ libre et s’appuie avec bonheur sur leur interprétation saisissante. Elle aurait tort de s’en priver tant ils sont convaincants. William Hurt exprime en peu de mots mais par des regards bouleversants le détresse de cet homme dont l’obsession vire progressivement à la folie. En face, Audrey Lamy confirme qu’elle est beaucoup plus que la femme de The Artist. Dans la lignée du formidable Ricky de Ozon, elle livre une performance subtile, intelligente et nourrie de nuances qui apportent beaucoup à la tenue et à la progression narrative du film. Ajoutons, une fois n’est pas coutume dans un film français, que Bonnaire a trouvé en Jalil Mehenni un enfant qui est un vrai acteur, et ne dépareille pas face à Hurt et Lamy. Assez impressionnant à vrai dire.

LOOPER – 13/20

LooperRéalisé par Rian Johnson
Avec Bruce Willis, Joseph Gordon-Levitt, Emily Blunt

Synopsis : Dans un futur proche, la Mafia a mis au point un système infaillible pour faire disparaître tous les témoins gênants. Elle expédie ses victimes dans le passé, à notre époque, où des tueurs d’un genre nouveau (les « Loopers ») les éliminent. Un jour, l’un d’entre eux, Joe, découvre que la victime qu’il doit exécuter n’est autre que… lui-même, avec 20 ans de plus. La machine si bien huilée déraille…

Avis : Looper est de ses films d’anticipation intelligent, bien construit, efficace et surtout qui sait où il va et où il veut emmener le spectateur. Bref, très bien foutu. Le scénario va au bout de son idée de départ et suit tout du long une ligne cohérente et lisible, ce qui est loin d’être évident pour un film SF. En s’appuyant sur un futur «crédible», Rian Johnson, impose un univers rapidement appréhendable et compréhensible. La simplicité étant sûrement ce qu’il y a de plus compliqué à atteindre dans le genre, la réussite de Looper est incontestable.
Malheureusement, cela ne suffit pas toujours à en faire un grand film de science-fiction. Il manque à Looper une vision et une identité plus marquée pour qu’il se hisse au niveau de standards tels que Blade Runner, Gattaca, Dark City, L’armée des 12 singes, T2 ou plus récemment Inception. Le(s) personnage(s) de Willis et Gordon-Levitt est une idée, un concept brillamment exposé, mais qui souffre d’un certain manque d’humanité et de relief. La mise en scène est par ailleurs trop quelconque pour en faire un classique, d’autant plus que le film finit par être un peu trop bavard. La dernière partie du film est un peu trop faiblarde, attendue, trop confinée, pour tout à fait convaincre.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Il n’est en effet pas si fréquent de se faire embarquer dans un scénario SF aussi malin et abouti. Un film simplement à la hauteur de son ambition.