REVENGE – 14/20

Revenge : AfficheAvec Matilda Lutz, Kevin Janssens, Vincent Colombe

Chronique : Film de genre assumé et référencé, outrancier par moment, le premier film de Caroline Fargeat est un Revenge movie total et sans concession, à la fois slasher et survival déjanté.
On ne va pas discuter de la crédibilité du scénario, qu’on qualifiera de léger, mais une fois accepté ses invraisemblances, on se laisse captiver par cet OVNI brûlant et haletant. Si le fond n’est clairement pas le principal souci de la réalisatrice, même si on peut y voir un propos féministe pas très subtil par ailleurs, la forme vaut clairement le détour. Elle a un talent monstrueux, au sens propre.
Sa mise en scène est au cordeau, fourmille d’idées et épate par sa capacité à créer des plans sophistiqués, excessifs, d’une précision folle dans leur éclairage et leur scénographie. Au-delà de l’extrême violence de certaines scènes, elles se caractérisent aussi et surtout par leur indéniable esthétisme. Une stylisation poussée jusque dans la caractérisation des personnages, en particulier l’héroïne, iconisée en une sorte de nouvelle Tom Raider. Mais très, très énervée.
Si la mise en place de l’intrigue est un peu longue et souffre du jeu approximatif des acteurs, le rythme ne baisse plus une fois la traque commencée. Une traque en miroir, car chaque camp cherche l’autre pour l’éliminer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce jeu du chat et de la souris est sanglant, à l’excès. On peut reprocher à la réalisatrice une certaine complaisance dans l’ultra-violence, mais on ne peut qu’admirer son sens du rythme et sa capacité à maintenir une tension qui ne faiblit plus jusqu’au générique finale. Une tension entretenue par un sound design impressionnant de précision.
On finit littéralement épuisés, mais heureux d’avoir vu un film de genre français totalement assumé (et réussi) et d’avoir découvert une réalisatrice culottée, à l’énorme et singulier talent.

Synopsis : Trois riches chefs d’entreprise quarantenaires, mariés et bons pères de famille se retrouvent pour leur partie de chasse annuelle dans une zone désertique de canyons. Un moyen pour eux d’évacuer leur stress et d’affirmer leur virilité armes à la main. Mais cette fois, l’un d’eux est venu avec sa jeune maîtresse, une lolita ultra sexy qui attise rapidement la convoitise des deux autres… Les choses dérapent… Dans l’enfer du désert, la jeune femme laissée pour morte reprend vie… Et la partie de chasse se transforme en une impitoyable chasse à l’homme…

IN THE FADE – 8/20

In the Fade : AfficheDe Fatih Akin
Avec Diane Kruger, Denis Moschitto, Numan Acar

Chronique : Diane Kruger est immense, oui. Mais sa performance sert un scénario d’une lourdeur embarrassante. Totalement dépourvu de finesse, simpliste, sans nuance, et improbable dans son dénouement, In the Fade emprunte tous les chemins les plus balisés et les plus racoleurs pour forcer l’empathie. Ce serait juste fatiguant si sa morale finale pour le moins ambiguë n’était pas si contestable.

Synopsis : a vie de Katja s’effondre lorsque son mari et son fils meurent dans un attentat à la bombe.
Après le deuil et l’injustice, viendra le temps de la vengeance.

3 BILLBOARDS – 15/20

3 Billboards, Les Panneaux de la vengeance : AfficheDe Martin McDonagh
Avec Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell

Chronique : 3 Billboards est un mélo tragi-comique, un drame teinté d’un humour noir et féroce.
Son scénario multiplie les fausses pistes, nous entraîne dans des directions déroutantes, dévie constamment son propos. D’un fait divers sordide, son réalisateur tire une étude de personnages d’une densité et d’une complexité épatantes, où les protagonistes ne sont jamais vraiment ce qu’on croit qu’ils sont.
Si leurs comportements ont quelque chose de burlesque, si la violence qui surgit peut avoir un côté outrancier, si finalement 3 Billboards tient sur un fil, il s’y tient bien, et ne sombre jamais dans le grotesque. Un peu à la manière des comédies barrées des frères Cohen, mais après qu’il aient discuté un moment avec Tarantino.
Détourner les codes pour mieux questionner. Sur l’Amérique profonde et ses relents racistes, sur l’idée de vengeance et de pardon, de rédemption aussi. Mais sans aucun manichéisme, ses personnages ayant tous un côté sombre et un côté lumineux (plus ou moins marqué…).
Il est savoureux de voir le foutoir que met Mildred dans son petit patelin avec ses 3 panneaux, mais tout aussi déchirant de toucher du doigt la douleur du deuil, la misère sociale et la colère face à l’injustice que ce soit lorsqu’un assassin reste impuni, ou que la maladie vous condamne.
Traversé d’autant de moments d’une puissante intensité dramatique que d’instants franchement drôles , 3 Billboards est surtout un film d’acteurs. Les performances de ses interprètes sont majuscules, que ce soit Sam Rockwell en flic red neck bas du front ou Woody Harrelson. Ils forment avec Frances McDormand un trio épatant. L’actrice peut préparer sa robe pour les oscars, elle est phénoménale. Fragile, cassante, corrosive, drôle et touchante, elle emporte tout sur son passage. Et nous avec, évidemment.

Synopsis : Après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville.

LE GRAND JEU – 10/20

Le Grand jeu : AfficheDe Aaron Sorkin
Avec Jessica Chastain, Idris Elba

Chronique : Objectivement Le Grand jeu semble indiquer qu’Aaron Sorkin est bien meilleur scénariste que réalisateur. Si ce premier film derrière la caméra confirme sa légendaire habilité pour rendre accessible des univers abscons et complexes, ici le poker, elle révèle également une certaine pesanteur dans la mise en scène, souvent plates et sans grandes idées. Flash-backs lourdauds, enchaînements de plans épileptiques pour traduire la frénésie du jeu, champ-contrechamps basiques, Sorkin on a déjà vu ses scénarios bénéficier des mises en scènes plus inspirées. Certes les dialogues sont bien écrits, les échanges fusent et Jessica Chastain et Idris Elba excellent dans ces discussions v à bâtons rompus, mais l’ensemble peine à susciter un réel intérêt.
Mais peut-être que le principal problème du Grand Jeu réside tout simplement de l’histoire dont elle s’inspire… Le destin de Molly Bloom est-il finalement suffisamment palpitant pour en faire un biopic de 2h20? Sur le papier, peut-être. A l’écran, pas vraiment. Le film dégage un sentiment d’ennui, de déjà-vu. Mais en mieux.

Synopsis : La prodigieuse histoire vraie d’une jeune femme surdouée devenue la reine d’un gigantesque empire du jeu clandestin à Hollywood ! En 2004, la jeune Molly Bloom débarque à Los Angeles. Simple assistante, elle épaule son patron qui réunit toutes les semaines des joueurs de poker autour de parties clandestines. Virée sans ménagement, elle décide de monter son propre cercle : la mise d’entrée sera de 250 000 $ ! Très vite, les stars hollywoodiennes, les millionnaires et les grands sportifs accourent. Le succès est immédiat et vertigineux. Acculée par les agents du FBI décidés à la faire tomber, menacée par la mafia russe décidée à faire main basse sur son activité, et harcelée par des célébrités inquiètes qu’elle ne les trahisse, Molly Bloom se retrouve prise entre tous les feux…

LES HEURES SOMBRES – 15/20

Les heures sombres : AfficheDe Joe Wright
Avec Gary Oldman, Kristin Scott Thomas, Ben Mendelsohn

Chronique : Durant les 126 minutes que dure Les Heures Sombres (qu’on ne voit pas passer), le film de Joe Wright égraine toutes les qualités dont sont faits les grands films.
Un personnage central historique charismatique, une intrigue resserrée et captivante, une interprétation mémorable et une réalisation impressionnante d’ingéniosité.
Joe Wright a souvent marqué les esprits par la virtuosité de ses mises en scène théâtrales et très riches visuellement qui dépoussièrent radicalement les sujets dont il s’empare (Orgueil et Préjugés, Reviens-moi, mais surtout Anna Karenine – cette scène de bal…). Avec Les Heures Sombres, il ne faillit pas à sa réputation. Son style est grandiose constamment, inventif en permanence.
Pour passer de l’intime et confiné à la terrible réalité du monde extérieur, il use avec maestria de changement d’échelles, comme lors de cette scène de bataille qui se transforme progressivement en un corps de soldat mort. Sa science des cadres fait des merveilles, modifiant constamment notre perception de l’image à l’écran. Une image qu’il confine lorsqu’il s’attache à montrer la solitude de Churchill (magnifique tableau du Premier Ministre engoncé dans un ascenseur perdu au milieu d’un écran noir) ou qu’il prolonge par des plans séquences lents et linéaires lorsqu’il filme les scènes de foules ou de combats. Le rythme ne faiblit jamais, toujours porté par la même élégance et excellence esthétique. Ce rythme soutenu se traduit également dans les dialogues, à l’image de la vivacité d’esprit de Churchill et sa faconde inimitable. Son humour et son goût du combat s’expriment pleinement dans des joutes verbales savoureuses avec ses opposantes, vibrantes lorsqu’il s’adresse à au peuple anglais, tendres et drôles quand il retrouve son épouse, soutien indéfectible au caractère bien trempé. Le choix d’un récit ramassé sur une période courte renforce l’impression de tour de force réalisé par Churchill, homme seul et lucide sur son isolement au début de son mandat qui parviendra à force de conviction et de discours habités à retourner son état-major, son cabinet de guerre, le parlement et finalement le pays tout entier.
La (ré)incarnation de Churchill par Gary Oldman, sidérante, donne à ces Heures Sombres une force peu commune, tout comme l’impeccable reconstitution historique. En narrant l’envers du décor de l’opération Dynamo, le film se positionne en parfait complément du très guerrier et très réussi Dunkerque de Christopher Nolan. Et rend compte dans un grand geste de cinéma du charisme de l’un des premiers symboles de la résistance face à l’envahisseur nazi. Oui un grand film.

Synopsis : Homme politique brillant et plein d’esprit, Winston Churchill est un des piliers du Parlement du Royaume-Uni, mais à 65 ans déjà, il est un candidat improbable au poste de Premier Ministre. Il y est cependant nommé d’urgence le 10 mai 1940, après la démission de Neville Chamberlain, et dans un contexte européen dramatique marqué par les défaites successives des Alliés face aux troupes nazies et par l’armée britannique dans l’incapacité d’être évacuée de Dunkerque. Avec le soutien de Clémentine, celle qu’il a épousée 31 ans auparavant, il se tourne vers le peuple britannique pour trouver la force de tenir et de se battre pour défendre les idéaux de son pays, sa liberté et son indépendance. Avec le pouvoir des mots comme ultime recours, et avec l’aide de son infatigable secrétaire, Winston Churchill doit composer et prononcer les discours qui rallieront son pays. Traversant, comme l’Europe entière, ses heures les plus sombres, il est en marche pour changer à jamais le cours de l’Histoire.

WONDER – 11,5/20

Wonder : AfficheDe Stephen Chbosky
Avec Julia Roberts, Jacob Tremblay, Owen Wilson

Chronique : Stephen Chbosky nous avait emballé avec Le monde de Charlie, une chronique adolescente sur un gamin asocial qui va peu à peu s’ouvrir aux autres. Il poursuit son exploration de l’enfance marginale avec Wonder, mais aborde un sujet plus dur et potentiellement assez casse-gueule puisqu’il traite de l’entrée au collège d’un garçon de 10 ans au visage difforme depuis la naissance et qui n’avait jusque-là étudié qu’avec sa mère surprotectrice. L’enjeu du film porte donc sur son intégration au sein d’une communauté réputée pour sa cruauté, la cours de récré. Et le défi pour Chbosky réside évidemment en sa capacité à éviter un pathos trop appuyé. Avouons-le, c’est moyennement réussi.
Wonder est un tire-larme sans beaucoup d’idées mais qui déborde de bons sentiments. Son humour, sa vitalité et son sens accru de l’amitié le tire cependant vers le haut. Il fait clairement le job dans son entreprise de feel good movie. Mais Il aurait pu être structurellement beaucoup plus abouti si la piste narrative qui consiste à ne pas s’intéresser qu’à August mais aussi aux personnages dont l’existence est impactée par leur proximité avec le garçon n’était pas expédiée si prosaïquement. Un simple carton introduit le personnage sur lequel le récit se concentre, mais ces changements de point de vue, souvent courts, sont perdus dans le récit chronologique qui suit August tout au long de sa première année de collège. De plus, le choix des personnages qui font l’objet de ces focus est parfois étonnant et peu pertinent. Bref une tentative de destructuration du récit un peu ratée et pas vraiment assumée qui plombe une mise en scène déjà assez simpliste. A noter cependant la performance impressionnante de Jacob Tremblay, déjà épatant dans Room.
Mélodrame plan plan et beaucoup trop binaire pour réellement marquer les esprits, Power aurait mérité un peu plus de complexité et d’ampleur de la part de Chbosky. Mais c’est très émouvant, bienveillant, et surtout extrêmement positif. Ça ne fait pas tout, mais c’est déjà pas mal.

Synopsis : August Pullman est un petit garçon né avec une malformation du visage qui l’a empêché jusqu’à présent d’aller normalement à l’école. Aujourd’hui, il rentre en CM2 à l’école de son quartier. C’est le début d’une aventure humaine hors du commun. Chacun, dans sa famille, parmi ses nouveaux camarades de classe, et dans la ville tout entière, va être confronté à ses propres limites, à sa générosité de cœur ou à son étroitesse d’esprit. L’aventure extraordinaire d’Auggie finira par unir les gens autour de lui.