LA VENUS A LA FOURRURE – 14/20

La Vénus à la fourrureRéalisé par Roman Polanski
Avec Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric

Synopsis : Seul dans un théâtre parisien après une journée passée à auditionner des comédiennes pour la pièce qu’il s’apprête à mettre en scène, Thomas se lamente au téléphone sur la piètre performance des candidates. Pas une n’a l’envergure requise pour tenir le rôle principal et il se prépare à partir lorsque Vanda surgit, véritable tourbillon d’énergie aussi débridée que délurée. Vanda incarne tout ce que Thomas déteste. Elle est vulgaire, écervelée, et ne reculerait devant rien pour obtenir le rôle. Mais un peu contraint et forcé, Thomas la laisse tenter sa chance et c’est avec stupéfaction qu’il voit Vanda se métamorphoser. Non seulement elle s’est procuré des accessoires et des costumes, mais elle comprend parfaitement le personnage (dont elle porte par ailleurs le prénom) et connaît toutes les répliques par cœur. Alors que l’« audition » se prolonge et redouble d’intensité, l’attraction de Thomas se mue en obsession…

Avis : Face à face incandescent et sensuel entre un metteur en scène et une actrice arrivée de nulle part, La Vénus à la fourrure installe progressivement un trouble et ambiguë jeu de pouvoir et de séduction, sans qu’on ne sache jamais vraiment quelles sont les intentions et les motivations de chacun. En acceptant de donner sa chance à la mystérieuse Vanda pour interpréter le rôle principal de sa pièce (nommée Vanda également, étrange coïncidence), Thomas va sans s’en douter se mettre en danger. Il va dévoiler bien plus qu’il ne le souhaite des ses propres fantasmes projetés dans son projet, adaptation d’un roman aux origines du sadomasochisme. Et se jeter malgré lui (ou pas) dans la gueule de la louve.
Roman Polanski n’a pas son pareil pour faire d’un huis clos un lieu riche et vivant, et il parvient encore à faire bouger les murs du théâtre dans lequel se passe l’action pour donner corps et chair à cette fascinante mise en abîme. Car outre la confusion de plus en plus forte qui se crée entre les personnages de la pièce et ceux du film, on ne peut pas ne pas aussi y voir la propre réflexion du réalisateur sur la relation entre un pygmalion supposé et son élève, sentiment évidemment renforcé par le faite que Polanski y dirige sa compagne.
Le réalisateur va progressivement effacer la frontière entre réel et fiction, pour terminer dans l’abstraction la plus totale. Une impression de confusion qui n’apporte volontairement pas de réponse claire et ponctue un combat épique et charnel entre Vanda et Thomas, entre provocation et soumission.
Les dialogues sont inspirés, vifs, jouent parfaitement sur l’ambiguïté, fascinent parfois. Emmanuelle Seigner y trouve sans nul doute son plus beau rôle. Magnifique de vulgarité, provocante, (faussement ?) ingénue, elle va se transformer au contact de ce personnage qu’elle semble déjà connaître par cœur, au point d’en devenir inquiétante, menaçante. Ses va et vient entre son personnages d’idiote dévergondée et celui de manipulatrice dominatrice n’en sont que plus savoureux, d’autant plus qu’ils laissent le personnage de Thomas totalement désarmé et interdit. Ce dernier est impeccablement interprété par Matthieu Amalric, qui semble beaucoup s’amuser à faire sombrer son personnage dans l’avilissement qu’il a lui-même créé.
Evidemment, l’ensemble est très théâtral, mais Polanski parvient avec élégance et un talent fou à ne pas verser dans le théâtre filmé. Sa Venus à la fourrure est tour à tour vivace, charnelle, drôle, érotisée, surprenante, subversive, intrigante, effrayante.
Une partition brillante et spirituelle.